#1 VOYAGE mémorable : Hiroshima, au coeur de l’horreur
Des paysages totalement différents de ceux qu’on peut voir tous les jours, le choc des cultures, la découverte d’autres façons de vivre, des villes marquées à tout jamais par leur histoire, des rencontres enrichissantes… Quel que soit le voyage que l’on choisit de faire, il inscrit des souvenirs inestimables et permet à notre esprit de s’évader du quotidien. C’est justement parce qu’on a tous envie (et besoin ?) d’évasion, surtout en cette période compliquée, où nos libertés sont entravées, que j’ai eu l’idée de lancer une nouvelle série d’articles sur le thème du voyage. Japon, Colombie, Islande… Je vais revenir sur des voyages qui m’ont chacun marqué à leur façon.
Le premier a indéniablement été celui que j’ai fait à Hiroshima, du 25 février au 4 mars 2007, dans le cadre scolaire.
Atterrissage brutal dans l’Histoire
Le but de celui-ci ? Réfléchir aux enjeux historiques, politiques et philosophiques de la bombe atomique et surtout comprendre l’enjeu pour le Japon d’une commémoration permanente de la catastrophe d’Hiroshima d’août 1945. Après avoir visionné des films comme Pluie noire d’Imamura Shohei (1989) ou Rhapsodie en août d’Akira Kurosawa (1991), après avoir étudié les coutumes japonaises comme la cérémonie du thé, le bouddhisme, nous voilà, une quinzaine d’élèves de Terminale et 3 professeurs, prêts à nous envoler pour le pays du Soleil Levant. Enfin, c’est ce que nous croyions, nous, jeunes ados de 17 ou 18 ans.
Car nous ne sommes jamais vraiment prêts à nous confronter à l’Histoire, surtout lorsque celle-ci a causé tant de cruauté et de peine. L’excitation du voyage a vite laissé place à d’autres émotions comme la colère, la tristesse ou encore l’incompréhension. Le moment le plus éprouvant restera sans aucun doute la rencontre avec une hibakusha (mot japonais utilisé pour désigner les rescapés d’Hiroshima), dont le nom m’échappe aujourd’hui, et qui nous a témoigné de l’horreur qu’elle a vécu alors qu’elle n’était qu’une petite fille.
Une commémoration omniprésente
Physiquement, la ville n’a pas voulu oublier la bombe A de son histoire. Bien au contraire, elle veut rappeler ses sévices dans l’espoir d’un « plus jamais ça ». Reconstruite à l’identique après sa destruction, Hiroshima tient en son centre (dans le rayon des 500m de l’épicentre de l’explosion) un parc de la paix de 12 hectares rassemblant le Genbaku Dôme, le Cénotaphe, la Flamme de la paix qui brillera tant que des armes nucléaires seront opérationnelles dans le monde, un monument aux victimes coréennes, une cloche qui sonne tous les jours à 8h15, heure de l’explosion de la bombe d’Hiroshima, ou encore un monument dédié aux enfants victimes de la bombe. Celui-ci représente une grue (l’oiseau) sur laquelle se trouve une petite fille, Sadako Sasaki. Une petite fille devenue un symbole pour tous les enfants qui ont péri à cause de cette attaque nucléaire.
Sadako Sasaki, petite fille devenue symbole de tous les enfants affectés par la bombe
Agée de 2 ans et demi lors de l’explosion, qui survint le 6 août 1945 à 2km d’elle, elle ne semblait pas blessée, contrairement à la plupart de ses voisins qui furent tués. Mais en 1955, on lui diagnostiqua une leucémie, cancer des cellules sanguines, le « mal de la bombe atomique » auquel peu survivaient à cette époque. Sa meilleure amie, Chizuko, lui raconta la légende japonaise des 1000 grues, symboles de la longévité, selon laquelle quiconque confectionne 1000 grues en origami voit un voeu exaucé. Dans l’espoir de guérir, elle s’attela à la tâche. Après avoir plié 500 grues, elle se sentit mieux et pu rentrer chez elle. Mais après moins d’une semaine, elle se sentit à nouveau mal et dut retourner à l’hôpital. Elle mourut le 25 octobre 1955 à l’âge de 12 ans. Alors qu’elle avait confectionné 644 grues, ses amis finirent de plier les 1000 grues et continuèrent pour récolter de l’argent des écoles japonaises afin de construire cette statue en l’honneur de leur amie mais aussi de tous les enfants affectés par la bombe.
© Marion Poulle
Au musée de la paix, la confrontation avec l’horreur continue et prend aux tripes. On y trouve la chevelure d’une petite fille, la langue et trachée d’une victime morte ou encore la représentation très réaliste et effrayante d’êtres humains à la suite de l’explosion, la peau en lambeaux…
© Marion Poulle
De quoi marquer les esprits à tout jamais. Car, aujourd’hui, 14 ans plus tard, mon esprit reste marqué par ce voyage et d’autres événements comme la catastrophe de Fukushima, survenue il y a 10 ans presque jour pour jour, ne font que me convaincre de plus en plus tristement que si je retourne à Hiroshima dans 10 ans, 30 ans, ou même 60 ans, la Flamme de la paix ne sera pas éteinte… L’Homme n’apprendra-t-il donc jamais de ses erreurs ?
À lire également :
Histoire méconnue : Slavoutytch, une ville née de la catastrophe de Tchernobyl
Rédigé par : Marion Poulle